mercredi 13 avril 2016

LE JOURNAL DES POÈTES (2e année) N° 24 - 21 MAI 1932

LE JOURNAL DES POÈTES
2e année - N° 24 (21 Mai 1932)
[Date de publication : 21 mai 1932 - Page [1] en-tête (2 colonnes) : Année, Numéro, Date, Prix, Titre, Sous-Titre, Adresse, Téléphone, Compte chèque postal, Abonnement - Page [1] bas de colonne 1 : "Des amis actifs !" ("Nous avons le plaisir d'annoncer à nos lecteurs la constitution d'un Comité des Poètes qui représentera et défendra l'idée du "Journal des Poètes" dans les Iles de l'Océan Indien. Il se compose de MM. Robert Boudry, Ny Avana Ramanantoanina, R. E. Hart, Hippolyte Foucque, G. Henri de Brugada, Allain et Joseph Rabearivelo.") - Page [1] bas de colonne 4 : Annonce ("Votre dernière soirée de 31-32. / Samedi 28 Mai, à 20 h. 30, à la Galerie Javal et Bourdeaux, Place Sainte-Gudule, 23-24, Bruxelles, aura lieu la première réunion publique des Amis bruxellois du "Journal des Poètes". Confrontation de Chennevière, Corbière et Verhaeren ; présentation du quatuor de récitation du "Journal des Poètes". Participation aux frais : 3 francs.") - Page [3] haut de colonne 3 : Comité égyptien et arabe : Georges Cattaui, Ahmed Chawky Bey, Jean Claude, Elias J. Finbert, Kalib Moutran, Raoul Parme, Amed Rassem Bey, Arsène Yergath - Page [3] bas de colonne 3 : Annonce ("Eté 1932 / Toutes les autos prennent la direction du Kursaal d'Ostende") - Page [4] bas de colonne 4 : Éditeur - Pagination : 4 pages]
Sommaire
[La Rédaction] : La peur des coups, éditorial (p. [1 ; col. 1-2]) 
Henri Vandeputte : Lyromancie, poème-compte rendu [à propos de Lyromancie par Paul Dermée (Editions des D. I. de l'Esprit Nouveau, 6, rue de Clichy, Paris] (p. [1 ; col. 2])
Gaston Pulings : Le jour j'étais tranquille... ; Cette nuit, j'étais seul..., poèmes (p. [1 ; col. 2])
Simone Dumas : Luc Durtain, dessin (p. [1 ; col. 3])
Luc Durtain : Conscience du Poète, étude [précédé des lignes de présentation suivantes : "M. Luc Durtain nous adresse les bonnes feuilles, entièrement inédites, d'un ouvrage D'HOMME A HOMME qui paraîtra le 10 juin prochain, chez Flammarion."] (p. [1 ; col. 3-4 - 2 ; col. 1-3])
Christian SénéchalUn poème épique populaire : "Lise" de L. Durtain, étude (p. [2 ; col. 1-4])
Jacques Baron : Rêver de hauteurs, poème en vers libres (p. [3 ; col. 1])
Mariano Brull : Premier Mai, poème [traduction de Mathilde Pomès] (p. [3 ; col. 1])
Mathilde Pomès : Une Anthologie de Poésie Espagnole, compte rendu [à propos de Poesia española 1915-1931, par Gerardo Diego (éd. Signo, Madrid, 1931)] (p. [3 ; col. 1])
VOICI L’ÉGYPTE
DE CINQ POÈTES ARABES
Abdel Kader El MaznyParmi les ruines de la cité de Fustat, poème [traduit par l'auteur et Paul Vandenborght] (p. [3 ; col. 2])
Abbas Mahmoud El Akkad : A la plage, poème [traduit de l'arabe par Abdel Rahman Sidky] (p. [3 ; col. 2])
Amed Chawky Bey : L'oiseau des temps modernes (fragments), poème [traduit par le poète libanais Antoine Gemayel] (p. [3 ; col. 2-3])
Ahmed Ramy : Oublier, c'est encore se souvenir, poème (p. [3 ; col. 3])
Hafez Ibrahim : Le Vin, poème [traduit par Ahmed Deif et Ahmed Rachad] (p. [3 ; col. 3])
Charles Petrasch : Georges Cattaui nous dit..., entretien [de "L'ambassade d'Egypte à Londres"] (p. [3 ; col. 4 - 4 ; col. 1-2])
DE SIX ÉGYPTIENS
Elias J. FinbertÉcume : 1. Après-midi de palmes haussées... ; 2. Si brille sur tes lèvres l'invite... ; 3. Fibrilles bleues qui sculptez ma chair... ; 4. Douce venue... août est dans les palmes... ; 5. Tes torsades sur le seuil, ô vigne..., poèmes [datés "Alexandrie, 1926"] (p. [4 ; col. 1-2])
Arsène Yergath : Deux piécettes : I. Je suis peut-être avec ton ombre... ; II. Tes yeux éclaireront..., poèmes en vers libres (p. [4 ; col. 2])
Raoul Parme : Horoscope, poème (p. [4 ; col. 3])
Amed Rassem Bey : Lassitude, poème en vers libres ; Novembre, poème en prose (p. [4 ; col. 3])
Jean Claude : Nuit blanche, poème en vers libres (p. [4 ; col. 3-4])
Georges Cattaui : Ici, ô Egypte, ici, poème en versets (p. [4 ; col. 4])
*** : Echos [Samedi dernier, à Bruxelles, nos collaborateurs Mathilde Pomès et Pedro Salinas ont été acclamés par le public d'élite qui remplissait la salle des fêtes de la Maison des Artistes... ; M. Emmanuel Berl adore les négations catégoriques... ; M. Ernest Prévost proteste dans la Victoire parce qu'on a placé "dans un square liliputien, inconnu, perdu" de Paris, un buste mesquin et minuscule de Verhaeren "le plus puissant poète depuis Victor Hugo." ; Dans un numéro récent de l'Œuvre, M. André Billy commençait son feuilleton littéraire par un émouvant aveu...], notes (p. [4 ; col. 4])
Document
"La peur des coups"
Il arrive de petites aventures aux petits hommes. Il y a quelques semaines, monsieur Louis Aragon qui, comme il est d'usage dans le surréalisme quand il se met "au service de la révolution", avait écrit un poème orné d'appels provocateurs, fut menacé de poursuites judiciaires. Cela le surprit beaucoup.
Au vrai, ce n'était pas de jeu. Est-ce que les Parquets et la Police, dont l'indulgence plénière envers de jeunes bourgeois qui érigeaient le chahut gratuit en impératif poétique avait quelque chose de si touchant, tout à coup se mettaient à tricher ? Leurs coups n'étaient-ils point réservés, comme on pouvait décemment l'espérer, aux vrais révolutionnaires ?
Ce fut un bel étonnement. Dans ce monde spécial, ce genre de sentiment se traduit en appels imprimés.
On convia donc les "intellectuels de gauche", y compris ceux qu'on nomme d'habitude petits-bourgeois, flics et salauds, à s'élever "contre toute tentative d'interprétation d'un texte poétique à des fins judiciaires".
Nous avouons que nous comprîmes mal cette formule et, au risque de paraître absolument imbéciles, nous déclarons qu'aujourd'hui encore nous ne lui découvrons aucun sens.
Mais nous ne ferions point un sort à cette littérature, si les surréalistes n'eussent cru devoir, à ce propos, poser toute la question de la responsabilité du poète.
Ils le firent, nous devons leur rendre cet hommage, avec une candeur digne des meilleurs éloges.
Que malgré cela, trois cents hommes aient cru devoir signer, parmi lesquels nous découvrons plusieurs noms qui honorent la pensée et la poésie d'aujourd'hui, nous le comprendrions mal si une certaine sorte d'indignation toute sentimentale, en somme assez noble, n'expliquait tout.
Pour nous qui nous sommes donnés, au risque d'encourir quelque mépris à droite et à gauche, de défendre la poésie vivante, nous ne pouvons nous empêcher de trouver que cette manière du surréalisme de hausser la poésie un peu au-dessus des luttes communes, conduit à la rabaisser beaucoup.
Qu'est-ce que ces poètes irresponsables qui, pour faire leurs petits coups de tonnerre, s'embusquent derrière l'inspiration ? Qu'est-ce que ces amoureux professionnels, qui font au nom de l'amour des enfants à la poésie, mais déclinent aussitôt leur paternité ? Qu'est-ce que ces soldats volontaires qui, s'il faut se battre, se font remplacer par leurs ombres, et, pour se tirer d'affaire trouvent cette formule commode de collégien menacé d'un pensum : "Ce n'est pas moi, monsieur..."
Est-ce qu'il n'est pas aussi "inspiré", l'ouvrier de Berlin qui tire sur les Croix-Gammées ou sur les Schupos ? Mais si on le poursuit, il ne convie pas les "intellectuels de gauche" à s'élever contre toute interprétation de son acte "à des fins judiciaires".
- Littérature, nous t'avions reniée sept fois ! Nous t'avions vouée aux stupres et aux ordures ! Nous avions promis de te barbouiller de sang ! Pardon ! Voici Monsieur le Flic. Laisse-nous abriter nos petits corps révolutionnaires dans ton giron !
Paillasses, disent-ils. On les calomniait donc : ils trouvent parfois le mot juste.
Pour nous, nous souscrivons à ces nobles phrases qu'à propos de ce médiocre incident littéraire, Romain Rolland daigna écrire :
"Nous sommes des combattants. Nos écrits sont nos armes. Nous sommes responsables de nos armes, comme nos compagnons ouvriers ou soldats. Au lieu de les renier, nous sommes tenus de les revendiquer. Que chacun de nous soit jugé, individuellement, pour celles qu'il emploie."
Ce qui, d'ailleurs ne nous empêche pas de protester contre des poursuites imbéciles. Imbéciles deux fois. Car si monsieur Aragon était dangereux, ce serait pour la révolution.
Document iconographique
"Luc Durtain", par Simone Dumas

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