jeudi 21 avril 2011

LES GUÊPES N°34 - AOÛT-NOVEMBRE 1912 (LA RENAISSANCE DU JARDIN FRANÇAIS )

LES GUÊPES
4e Année - N°34 (Août-Novembre 1912)
[Date de publication : Août-Novembre 1912 - Couverture : imprimée en noir sur papier jaune, 445 (référence à l'article 445 du Code d'instruction criminelle), Année, Date, Numéro, Titre, Périodicité, Épigraphe (citation des Guêpes d'Aristote : LE CHŒUR : Il n'est pas facile de m'adoucir, quand on ne parle pas dans mon sens.), Prix du N°, Dessin représentant une guêpe - 2e de couverture : Abonnement, Titre, Périodicité ("Revue mensuelle paraissant le 15 de chaque mois"), Directeurs : Jean-Marc Bernard et Maurice de Noisay, Secrétaire : Henri Clouard, "Les abonnements partent du commencement de l'année et sont continués sauf avis contraire", "La Revue ne publie que de l'inédit. Les manuscrits ne sont pas rendus. Les auteurs sont seuls responsables de leurs écrits.", Fondateurs, Collaborateurs, ("Tous ceux dont les articles auront été acceptés par la Direction") "Ceux qui ne collaboreront pas. - MM. Jean Aicard, Maurice Bouchor, Gaston Deschamps, Auguste Dorchain, J. Ernest-Charles, René Fauchois, Eugène Lintilhac, Jean Rameau, René Ghil, Saint-Georges de Bouhélier, Fernand Gregh, Robert de Souza et Jean Royère", Dépositaires (A Marseille : Librairie Antimaçonnique, 14, rue Montgrand / Pour la France et l’Étranger : J.-M. Bernard), Titre (encadré de part et d'autre par "445"), "Adresser les communications / Concernant l'Administration : à M. Jean-Marc Bernard, Saint-Rambert d'Albon (Drôme) / Concernant la Rédaction : à M. Maurice de Noisay, 7, rue Paul-Saunière, Paris. / "Le Directeur et le Secrétaire reçoivent le mercredi, de 5 à 7 heures au siège de la Revue, à Paris, 7, rue Paul-Saunière"   - 3e de couverture : 445 (en note : Cet article du code d'instruction criminelle est en somme (notre modestie ne rougit pas de l'avouer) le meilleur article de notre revue. Aussi nous nous promettons de l'insérer douze fois par an)  - 4e de couverture : Encarts publicitaires (Objets d'Art.- Henri Michelon / Lisez tous : L'Action Française / Le Divan / Imprimerie Valentinoise / Grand Café Glacier, Rich Tavern / Le Courrier de la Presse / Revue Critique des Idées et des Livres / Lisez aussi : Le Nord Patriote) ; Pour paraître le 10 janvier 1913, / à l'édition du "TEMPS PRÉSENT" / SUB TEGMINE FAGI / Amours, Bergeries et Jeux / par / Jean-Marc BERNARD, dauphinois / Il sera tiré de ces Poésies fugitives une édition de luxe sur Hollande Van Gelder, grandes marges, sous couverture Japon impérial, titre or. / Aucun de ces exemplaires ne sera mis en vente dans les librairies. / Prix : 12 Francs / Adresser les adhésions à M. J. M. BERNARD, Saint-Rambert-d'Albon (Drôme) - Page [65] : Thématique du N° (La Renaissance du Jardin Français) - Pages [66] : muette - Page [67] : Page de Faux-Titre ("Tri-centenaire de Le Nôtre / La Renaissance du Jardin Français / Enquête / Participants / Nouvelle Librairie Nationale, 11, rue de Médicis, Paris (VIe) / 1913) - Page [68] : muette - Page [69] : "Notre Enquête" par Jean-Marc Bernard - Page 70 : citation, en épigraphe, de La Fontaine ("Les lieux que j'ai dépeints, le canal, le rond d'eau, (...) Cet art qui les savoit loger si richement.") - Page [74] : muette - Page [75] : Réponses de (suivi de la liste des participants) - Page 76 : citation, en épigraphe, de vers de Delille ("Voyez-vous et les eaux, et la terre, et les bois, (...) Pleuvoir en goutte d'or, d'émeraude et d'azur ?") - Page [152] : muette - Page [153] : "Conclusion" par M. Maurice Luquet de Saint-Germain - Page 154 : citation, en épigraphe, de Saint-Amant ("Arrière ces masses énormes, (...) S'y rapporte aux règles de l'Art.") - Page [159] : Achevé d'imprimer (Valence / Imprimerie Valentinoise, Place Saint-Jean / 1912) - Page [160] : muette - Pagination : 96 pages]
Sommaire
Jean-Marc Bernard : Notre Enquête ["Le 12 mai 1913, à l'occasion du tri-centenaire de la naissance de Le Nôtre, le buste du célèbre jardinier, sculpté par Coysevox, sera érigé dans le jardin des Tuileries, et son tombeau restauré, qui se trouve dans l'église Saint-Roch..." - Questionnaire de l'enquête : "1° Que pensez-vous du jardin français ? / 2° Sa renaissance est-elle une mode ou correspond-elle à une évolution des idées et du goût français ? / 3° Lui trouvez-vous une force éducatrice ? / A. N'est-ce pas une erreur de le voir sous les simples apparences de broderies de buis ? / B. Son art ne réside-t-il pas surtout dans sa composition ? / C. Dites-nous un mot des éléments essentiels : escaliers, bassins, avenues de verdure... qui participent à cette composition. / D. Peut-il convenir à la propriété de moyenne importance ?" - "Grâce à cette enquête - image de la victoire de l'esprit sur les forces brutes de la nature - nous achevons dignement une campagne de quatre années contre les barbares."]  (p. 71-73)
Réponses de : Jacques Bainville (p. 77), Maurice Barrès [datée "Charmes, 20 septembre 1912"] (p. 78), René Bazin [datée "Les Rangeardières, 16 septembre 1912"] (p. 79), Marcel Bechetoille (p. 80-81), Gabriel Boissy (p. 82-84), Henry Bordeaux [datée "Chalet de Maupas (Savoie), ce 19 octobre 1912"] (p. 85), Marcel Boulenger [datée "Chantilly, 20 septembre 1912"] (p. 86), René Boylesve [datée "Paris, 13 septembre 1912"] (p. 87), Charles-Francis Caillard [datée "Les Cours de Béruges, 17 septembre 1912"] (p. 88-89), Francis Carco [de "Nice"] (p. 90), Henri Clouard (p. 91), Lucien Corpechot (p. 92-94), Henri Dagan [datée "Paris, 27 septembre"] (p. 95), Louis Dimier (p. 96-100), Georges Dumesnil [directeur de l'Amitié de France et des Cahiers de l'Amitié de France - datée "Lassagne, 22 septembre 1912"] (p. 101-102), Francis Eon [note manuscrite de l'auteur : "De Fontenay-le-Comte, en août 192, pendant les vacances"] (p. 103-104), Fagus (p. 105-107), René Fernandat (p. 108-110), J.-C.-N. Forestier (p. 111-112), Édouard Franchetti (p. 113-115), Henri Martineau & [André du Fresnois] [datée "28 septembre 1912" - citation in extenso de l'article d'André du Fresnois paru dans le Gil Blas du 28 septembre] (p. 116-119), Fernand Mazade (p. 120), Raoul Monier (p. 121-124), Comtesse de Noailles (p. 125-126), Maurice de Noisay [datée "19 octobre 1912"] (p. 127-129), Pierre de Nolhac [datée "Château de Versailles, 15 septembre" - citation de deux paragraphes de son dernier feuilleton des Débats [politiques et littéraires] consacré au jardin français] (p. 130-131), André M. de Poncheville [datée "Raismes, ce 16 septembre 1912"] (p. 132-134), Edmond Pilon (p. 135-139), Henri de Régnier [datée "Paris, septembre 1912" - suivie de "Latone", sonnet consacré à Versailles, reproduit par la rédaction de la revue] (p. 140-141), Émile Sicard [Directeur du Feu] (p. 142), Jean Tenant [vers parus pour la première fois dans Le Divan de janvier 1911] (p. 143-144), Jérôme et Jean Tharaud [datée "Charmes-sur-Moselle, 21 sept. 1912"] (p. 145), Louis Thomas (p. 146), André Vera (p. 147-150), Willy (p. 151)

Maurice Luquet de Saint-Germain : Conclusion [Sous forme de lettre adressée à "Mon cher J.-M."] (p. 155-158)
 Documents
XVII
Voici quelques années, nous fûmes à Juvisy, le gai village qui connut Louis XIV en sa gloire, Louis XV en son élégance, et vit, en 1814, la déchéance de Napoléon. Là s'épanouissait le fantôme d'un jardin magnifique. Du fleuve, on abordait, une fois l'Orge passée, dans une prairie fleurie et verte ; au-dessus s'arrondissait un bassin semi-circulaire enceint de hauts peupliers ; au-dessus encore, une pelouse en pente douce montait : à sa rencontre, descendait le coteau, ruissellement d'arbres, dévalement de sentiers décorativement sauvages ; l'ingénieur jardinier tailla là une terrasse en forme d'un croissant, dont les cornes, à droite, à gauche, s'abaissaient, double rampe douce ombragée de peupliers encore. La conque de la terrasse est soutenue par un mur creusé de niches en rocaille, où rêvent des nymphes de pierre et des dieux, et surmonté d'une balustrade : accoudons-nous. Ainsi s'allonge la terrasse, pour le repos dans la descente ou la montée, pour surtout le ravissement des yeux. Car eux, jadis, voyaient, et tout cela, et la Seine encore, et au-delà de la Seine, des prairies et des champs, le tout borné enfin par l'autre versant de la vallée où moutonne toute verte et bleue la forêt de Sénart, où voltige encore l'ombre de la marquise de Pompadour.

Au-dessous de soi, l'on entend l'amphore des nymphes s'épandre un filet d'eau, souterrainement venu de l'Orge : il s'écoule vers la pièce d'eau, laquelle la restitue à la même rivière qui l'emmène avec elle au fleuve. Et puis, retournons-nous vers les masses d'arbres crêpelant le coteau ; traversons la terrasse : voici une pièce d'eau rectangle, chevelue de hauts roseaux : c'est elle qui alimente les nymphes. Plus haut, une grotte, une cascade y pleut : c'est elle qui alimente la pièce d'eau, et sustentée elle-même par l'eau que là-haut, sur la crête, les "Belles-Fontaines" aspirent de l'Orge par des conduits cachés. Au-dessus de la grotte et en retrait, se tapit dans la verdure un minuscule pavillon barlong : fronton à la grecque, toit d'ardoises en trapèze, à la Mansard ; trois baies sur cette face, trois sur celle d'arrière, deux sur chaque petit côté : une cage à mouches pour courtisan. Louis XIV y passa une nuit.

Ce chef-d’œuvre se signe lui-même : Le Nôtre ; une municipalité indigente et cupide laissa le tout à l'abandon ; les statues tombèrent des niches et des socles, les nymphes sont taries ; les ronces obstruaient les sentiers ; au pavillon, plus de portes ni de fenêtres, plus de plancher, plus de plafond ; des excréments et des papiers sales souillaient les marches où le Roi posa ses pieds. Un chemin de fer lacère les prairies que la Seine arrosa, et que des champs de pommes de terre submergent ; une route d'intérêt local sabre le tout.

Voilà ce que, grâce à la Monarchie, un jardinier fils de jardinier : un homme du peuple, fit pour un grand seigneur et pour son Roi ; et voici ce que fit de cela la Démocratie. Et pis : depuis, des affiches innombrables nous annoncèrent le lotissement du parc de (I) : nous ne retournâmes plus à Juvisy, n'y retournerons jamais sans doute. A quoi bon, peut-être que déjà etiam periere ruinae !

C'est le sentiment universel de ces ruines universelles, et qu'avec elles quelque chose du plus profond de nous est ruiné, qui provoque la réaction universelle, laquelle produira la restauration salutaire et fatale du Jardin français... Je ne songe pas seulement aux œuvres de Le Nôtre...

(I) "S'adresser à MM. Bernheim".
FAGUS.
XXXV
Mon cher J.-M. B.,
Je n'ose vous répondre pour divers motifs.

Vous allez me mépriser effroyablement, si je vous avoue que je ne suis pas très emballé sur le jardin français, ni sur ses vertus éducatrices. Oui, je sais bien, ordre, clarté, noble ordonnance... Ah ! cher ami, quand je vois des gens de talent nier Henri Heine - qu'est-ce que ça me fout que ce juif ait fait chanter un autre juif ! - et déclarer qu'une traduction de Goethe vaut Goethe, ça me dégoethe (pardon) un peu. Car vous savez bien qu'il n'y a pas de traduction, qu'il ne peut pas en exister, et que les langues ne se pénètrent pas. Tout cela semble m'éloigner du jardin à la française. Mais pourtant...
Et puis, je fais répéter tous les jours, au Théâtre Impérial, une adorable enfant aux regards de femme, Andrée Mielly : le ton chaud de sa peau ambrée, ses yeux de diamant noir, tout cet exotisme charmant et délicat m'incite à fumer le "Calumet" d'André Salmon - au vrai, je fume surtout du Bénarès - de sorte que je rêve de petites reines barbares aux diadèmes en plumes de colibri... C'est peut-être le gâtisme final, à coup sûr ce n'est pas le jardin à la française. Je me sens une âme tahitienne...
La bonne aventure
Ochsé
La bonne aventure !
Ma patrie est là-bas. Dulce est et decorum pro patria Maori !
WILLY.

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